La compagnie pétrolière publique SNDP continue sa mue engagée en 2017. Son premier responsable apporte la preuve qu’AGIL, sa marque commerciale arborée par 220 stations-service dans tout le pays, est loin d’être en marge de l’évolution du secteur. Bien au contraire, l’entreprise entend bien jouer les premiers rôles et être le précurseur dans les nouveaux métiers que les opérateurs se doivent d’adopter.

Question d’actualité pour commencer M. Smida : pouvez-vous nous en dire plus sur la convention que vous venez de signer concernant le projet d’installation de bornes électriques dans vos stations-service ?

Le focus, c’est la signature d’une convention entre la SNDP et la STEG  à travers laquelle elle nous autorise à vendre de l’électricité via des bornes de recharge rapides dans notre réseau. Ceci pour donner un cadre juridique à l’opération qui n’existe pas encore. La STEG a le monopole de la vente de l’électricité en Tunisie et nous avons donc ouvert une brèche ; nous allons vendre au public dans un cadre structuré selon une démarche légale et pratique.

Nous avons fait le choix d’être parmi le groupe pilote qui encourage l’introduction et le développement de la voiture électrique dans notre pays. Le groupe de travail est constitué de la SNDP, du ministère de l’Industrie et de l’Agence de maîtrise de l’énergie (ANME). Nous avons fait le choix de commencer par 10 stations pour pouvoir fournir un service minimum à ceux qui posséderont une voiture électrique.

Si leur nombre augmente, nous augmenterons également le nombre de stations. Nous préparons donc l’infrastructure de base et espérons que le ministère des Finances étudiera le dossier qui lui a été transmis pour la réforme législative nécessaire. Il reste encore à avoir la tarification du kW/h. L’électrique, c’est d’abord une tendance internationale, mais c’est aussi d’un intérêt national et notre pays a une opportunité en matière de voitures électriques et hybrides. Nous voulons donc encourager le marché et donner un signal national en tant qu’entreprise se positionnant sur les nouvelles tendances.

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La vente de carburant, qui constitue votre métier de base, ne va-t-elle pas être bousculée dans les prochaines années au vu justement de ces nouvelles tendances qui se dessinent partout dans le monde ?

Nous en sommes conscients et nous adhérons à ces nouvelles tendances. Nous savons, dans notre réflexion stratégique, que l’avenir va vers les énergies renouvelables et il est opportun de bifurquer dans cette direction à moyen ou long-terme. Nous ne savons pas exactement quand le schéma économique de la Tunisie ira dans ce sens mais nous serons prêts.

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Ne considérez-vous pas que l’électrique est une menace pour vous en tant que compagnie pétrolière ?

Nous ne le voyons pas comme cela. Nous voulons monter dans le wagon de la transition énergétique. Nous avons une étude stratégique avec deux grands caps. Le premier exige de nous préparer car les énergies renouvelables, la mobilité électrique, nos ingénieurs ne sont pas formés à ce type de métier.

Il faut se préparer parce que dans 20 ans, ce sera peut-être le cœur de notre métier. La SNDP a un projet de régime d’auto-production d’électricité que nous avons entamé pour nous-mêmes au départ puisque nous consommons beaucoup d’électricité pour nos centrales, nos dépôts, nos stations, notamment la moyenne tension.

Nous allons donc lancer le projet dans le sud pour produire de l’électricité photovoltaïque fournie à la STEG qui le compensera sur notre facture. Le second cap est orienté vers une autre réflexion qui porte sur l’entrée dans des projets de partenariats sur les grandes fermes photovoltaïques.

La qualité du carburant sur le marché tunisien fait encore débat, notamment par rapport aux nouvelles motorisations des véhicules de manière générale. Quel est votre commentaire à ce sujet ?

Ce sujet n’est pas un problème SNDP mais un problème de normalisation nationale. En Tunisie, nous vendons de nombreux produits. Le premier et le plus basique, c’est le gasoil normal. Le deuxième type de carburant, c’est le gasoil non soufré. Nous vendons également l’essence sans plomb et l’essence sans plomb additivé et également le gasoil non soufré additivé. Un sujet important a été posé sur la table au sein de notre ministère et avec les opérateurs de distribution pétrolière qui est celui de la sortie du gasoil.

Cependant, beaucoup de secteurs économiques basiques continuent de l’utiliser, notamment dans l’agriculture et le transport. Mais le problème n’est pas là uniquement mais porte sur le fait que nous avons une raffinerie qui produit ce carburant. En tant qu’opérateurs, nous sommes toutefois conscients qu’il faut migrer et avoir de la qualité. Nous avons bien évidemment intérêt à ce que le marché tunisien soit attractif aux nouvelles motorisations des nouvelles voitures.

Les soubresauts de l’année 2020 ont-ils eu un impact sur les activités de la SNDP et son chiffre d’affaires notamment ?

Ce fut une année exceptionnelle puisque comme partout dans le monde, nous avons connu un lock-down pendant à peu près deux mois sans travail. Cela a impacté nos activités et notamment notre activité aviation et aussi les carburants. Pourtant, le premier trimestre 2020 avait enregistré une progression très significative par rapport à 2019. Ensuite, il y a eu la cassure. Notre objectif au niveau carburant, c’est de garder les mêmes niveaux que 2019 et même s’il y a eu baisse, elle n’a pas été importante.

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Cérémonie de signature le 19 décembre 2020 de la convention de partenariat entre les PDG de la SNDP et de la STEG en présence de la ministre de l’Industrie.

Quelle est justement votre stratégie au niveau de vos stations ?

Depuis 2017, nous avons axé nos efforts sur le réseau selon trois grands axes. Le premier porte sur le rebranding des stations selon une charte graphique renouvelée et modernisée qui va être adoptée de manière progressive.

Nous avons une nouvelle génération de stations, à commencer par celle que nous venons d’ouvrir en décembre sur la route entre Sidi Hassine Séjoumi et Fouchana et une autre à Boumerdès. Nous avons par ailleurs réaménagé deux grandes stations sur les autoroutes vers Béja, très modernes au niveau design et architecture. De même que nous aurons bientôt une nouvelle création de station à Garsaâ, sur la route de  Hammamet avec un nouveau concept qui est celui de station-motel, c’est-à-dire un hôtel au sein de la station-service.

L’investissement est à la charge du promoteur de la station. Nous en avons parlé ensemble et nous l’avons encouragé dans ce sens. Dans le classement du ministère du Tourisme, il est considéré comme un hôtel-relais. Il y a une complémentarité entre nous et au niveau des services, ce sera un atout pour les routiers et même pour les familles à petit budget. Si le projet réussit, il réussira sans doute ailleurs. Historiquement, depuis l’époque des Italiens (AGIP ndlr), nous avions déjà deux motels, l’un à Hajeb Laayoun et un autre du côté de Médenine.

Combien de nouvelles ouvertures avez-vous prévu pour 2021 et quels nouveaux projets ?

Environ une dizaine entre fin 2020 et début 2021. Nous avons également une station exceptionnelle à Béjaoua (route de Oued Ellil) qui va bientôt ouvrir. De plus, nous avons une trentaine de stations déjà existantes que nous allons refaire. Dans le quartier d’Ennasr, il y a également des travaux et il y aura un partenariat avec Midas de la même manière que nous travaillons également avec Speedy. Par ailleurs, nous avons finalisé notre nouveau dépôt de carburant ultra-moderne à la Goulette qui nous a coûté 50 MD et c’est une fierté avec une nouvelle capacité de stockage, une nouvelle rampe de chargement, un système de sécurité sophistiqué…

Un ancien bâtiment sur le site (appelé bâtiment de huiles), initialement destiné à la démolition, est en train d’être transformé en musée de nos métiers avec un concept vintage industriel. Il rassemblera un maximum de machines que nous avons collectées, des appareils de distribution, des photos d’époque de notre réseau présentées sous forme d’exposition, des témoignages de nos retraités qui racontent comment ils travaillaient sur le dépôt. C’est un peu la mémoire vivante de la SNDP pour assurer la continuité.