Entre la pénurie des semi-conducteurs, le manque de disponibilité des modèles et le glissement du dinar par rapport au dollar et à l’euro, le marché global de l’automobile accuse le coup. Malgré ces facteurs conjoncturels et autres structurels qui freinent le développement de ce marché en Tunisie, « Le Moteur », représentant officiel des marques Mercedes-Benz et Tata, continue de progresser. Imed Gharbi, directeur général du concessionnaire, revient dans cette interview sur les ambitions et les perspectives des deux marques qu’il représente. Il y évoque par ailleurs les nouvelles dispositions de la loi de finances en relation avec le secteur ainsi que la question de l’introduction des véhicules électriques sur le marché.

Comment interprétez-vous, en tant que concessionnaire, la loi de finances de 2023, notamment l’article qui stipule la réduction des droits de douane sur l’importation des équipements de recharge des véhicules électriques ?
Ce n’est pas cela qui bloque actuellement le développement des véhicules électriques en Tunisie. Le blocage est plutôt lié à l’infrastructure, au nombre limité de bornes de recharge installées et aux parties en charge de les mettre en place. A cela s’ajoute l’épineux problème de la vente de l’électricité qui est aujourd’hui interdite et monopolisée par la STEG. Même si les bornes de recharge étaient ramenées et installées, qui payera l’électricité puisqu’à part la STEG, nous n’avons pas le droit de vendre l’électricité? La réduction des droits de douane sur l’importation des équipements de recharge des véhicules électriques n’est pas un pas suffisant pour aller vers l’électrique étant donné que déduire un petit montant de 200 dinars sur une borne de recharge ne résout pas le problème.

Notre ambition est de maintenir notre position de leader sur le marché du premium

Quelle mesure aurait pu être prise par le gouvernement et qui aurait pu booster le marché de l’électrique selon vous ?
Le lancement des véhicules électriques a été accompagné partout dans le monde par des subventions pendant une certaine période afin d’aider à l’envol de ce marché. Une voiture électrique est visiblement plus chère qu’un véhicule thermique. Dans le but de contourner ce problème, des pays, à l’instar de l’Allemagne et de la France, ont pris des mesures identiques pour faire réussir cette démarche -dont des bonus de 5000 euros voire plus par véhicule afin de booster les ventes durant les premières années. Il faudrait appliquer la même démarche en Tunisie si nous voulons encourager l’introduction des voitures électriques. Le plus grand défi devant l’électrique sera l’infrastructure laquelle reste associée au casse-tête du timing. En d’autres termes : vaut-il mieux préparer d’abord l’infrastructure, puis ramener les voitures ou bien le contraire ?
Ensuite, il y a la question du type de bornes de recharge à installer. Nous, en tant que Mercedes-Benz, devrons installer des bornes adaptables uniquement aux véhicules de notre marque ou des bornes universelles qui rechargent tous les véhicules, sachant que l’installation d’une borne rapide est un investissement lourd.

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Quelle est la position de votre partenaire Mercedes-Benz par rapport à la décision de l’Union européenne d’abandonner les véhicules thermiques à l’horizon de 2035 ?

L’approche du constructeur Mercedes-Benz va au-delà de la décision de l’UE. Il vise 50% de ses ventes en électrique en 2025 avec l’abandon total des véhicules thermiques avant 2030. Ce programme a été établi depuis 2020 et il est encore renforcé aujourd’hui. Les constructeurs européens avancent à grands pas vers l’électrique. À terme, cela va toucher tout le monde, y compris nous, en Tunisie.

Etes-vous préparés pour la transition vers l’électrique ?
« Le Moteur » se prépare pour cette nouvelle étape. Nous réfléchissons aux bornes de recharge, au réseau en Tunisie, de même que nous préparons nos ateliers et nos commerciaux à l’électrique. En outre, nous formons nos équipes SAV sur la voiture électrique parce que la vente d’une voiture électrique nécessite certains savoirs concernant la batterie, l’autonomie, la recharge, le mode de conduite, etc. Mais avant tout, le grand travail à mener pour les constructeurs sera la disponibilité des batteries.

A part la STEG, nous n’avons pas le droit de vendre l’électricité

Quel bilan pour la marque Mercedes-Benz en Tunisie en 2022 ?
Nous avons pu assurer une certaine croissance en réalisant une amélioration des ventes en comparaison avec 2021. Nous avons pu dépasser 600 véhicules vendus. De manière plus détaillée, le marché du premium, hors les nouveaux arrivants en 2022, a enregistré une certaine baisse. J’ajoute que « Le Moteur », malgré l’amélioration enregistrée, aurait pu mieux faire mais le manque de disponibilité des voitures Mercedes a freiné les ventes.

Le segment du premium connaît-il la crise ?
Ce segment est également touché par la crise pour plusieurs raisons dont le temps de réalisation d’une vente qui est passé d’une semaine à trois semaines aujourd’hui. Ce nouveau phénomène se justifie par un temps de réflexion de plus en plus important et une durée de recherche de financement plus longue. Le client est de plus en plus regardant par rapport aux taux d’intérêt. Il compare le leasing et les banques et prend son temps pour choisir entre les deux.

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Le lancement des véhicules électriques a été accompagné partout dans le monde par des subventions

Quels modèles Mercedes-Benz sont-ils plus sollicités sur le marché tunisien ?
La demande est presque équilibrée entre les différents modèles de la gamme Mercedes-Benz. La Classe A, la Classe C, la Classe E sont toutes sollicitées avec une demande de plus en plus importante sur les SUV. Il reste par ailleurs le problème de la puissance fiscale en Tunisie. Les petits modèles cartonnent sur le marché mais dès que nous dépassons les 9 CV, la demande baisse. Malgré cela, nous avons enregistré une belle croissance sur ce segment.

Quelles seront les nouveautés de la marque en 2023 ?
Il y aura plein de nouveautés entre renouvellement de la gamme et lancement de nouveaux modèles. Ce sera une année assez chargée.

Allez-vous tenter l’électrique cette année ?
Nous sommes en train d’y réfléchir. Mais, il n’y a pas de délais fixes.

Le temps de réalisation d’une vente est passé d’une semaine à trois semaines aujourd’hui

Quel sera le délai d’attente en 2023 entre la commande et la réception d’un véhicule Mercedes-Benz ?
Nous sommes actuellement sur un délai de 4 à 6 mois pour les voitures sur commande.

Quelles seront vos ambitions pour 2023 ?
Notre principale ambition est de maintenir notre position de leader sur le marché du premium. Nous œuvrerons à la maintenir. Cela passera par l’amélioration des services, soit au niveau commercial, soit au niveau du SAV. Dans ce cadre, je souligne que nous avons enregistré une amélioration de la satisfaction des clients par rapport à nos services. De plus, nous prévoyons d’autres projets d’amélioration de la qualité du service et de l’accueil de la clientèle. Nous continuerons à nous améliorer, même si nous sommes assez bons.

Comment mesurez-vous le taux de satisfaction de la clientèle ?
Un client qui arrive chez nous fait l’objet systématiquement d’un travail de suivi soit par « Le Moteur », soit par la marque Mercedes-Benz. Nous réalisons régulièrement des enquêtes de satisfaction pour voir ce qu’il faut améliorer. Nous sommes d’ailleurs bien notés en ce qui concerne plusieurs aspects dont les réclamations et l’accueil des clients.

Quelle sera votre stratégie de développement du réseau Mercedes-Benz en 2023 ?
Nous sommes essentiellement concentrés sur les grandes villes pour que le client ne soit pas contraint de parcourir plus de 50 km pour joindre un agent Mercedes-Benz. En 2023, nous continuerons à effectuer le rafraîchissement de nos agences et à les aider à développer leur chiffre d’affaires. Notre priorité est donc de mettre au standing de la marque toutes nos agences en termes de design et de services. Ce sont des investissements lourds qui prennent du temps. Nous comptons actuellement trois agences dans le Grand-Tunis (Charguia, Mnihla et Ezzahra), une agence à Sousse, deux à Sfax et une agence à Djerba. Toutes les agences sont en 3S sauf celle de Sousse qui est en 2S mais elle passera aussi en 3S bientôt.


Quels sont vos projets pour la marque Tata ?

Nous avons souffert du Covid-19 et de l’indisponibilité du véhicule en 2021 et 2022 à cause du changement de modèle. 2023 sera donc l’année de la relance. Nous avons commencé en fin d’année 2022 par le lancement du nouveau modèle en simple cabine. Nous allons continuer cette année avec d’autres lancements, d’autres produits (pick-up, camions et mini-trucks) et nous sommes en train de discuter de nouvelles ouvertures. L’amélioration du produit fait également partie de notre stratégie de développement. Nous avons en effet essayé de remédier à tous les défauts de l’ancien modèle. Nous proposons désormais un excellent véhicule performant, robuste et meilleur à tous points de vue avec des changements technologiques, de la suspension, de l’habitabilité, de la motorisation qui est désormais plus puissante et de la direction qui est plus précise. Nous avons retravaillé tous les axes. Et pour rassurer le client, nous offrons 120.000 km de garantie.

Beaucoup de demandes d’achat sont enregistrées pour le nouveau modèle Tata Xenon X2.

Quelles étaient les premières impressions par rapport au nouveau modèle Tata Xenon X2 ?
Nous avons eu beaucoup d’impressions positives et beaucoup de demandes d’achat. Toutefois, il y a encore du travail à faire étant donné que certaines personnes sont encore réticentes par rapport à ce modèle. Elles pensent qu’il s’agit du même que le précédent alors qu’il est complètement différent. Quant au double cabine, il sera lancé au cours du premier semestre de l’année 2023.
Pour résoudre le problème de la compensation du carburant, certains proposent l’installation de « pompes intelligentes » dans les stations-service affichant un prix du litre variable avec la puissance du véhicule. Les petites cylindrées paieront le prix le moins cher, les grosses cylindrées le prix non compensé. Qu’en pensez-vous ?
C’est un faux problème que de condamner les grosses cylindrées. La compensation du carburant est très délicate car dès que le prix du pétrole est touché, les prix de toutes les marchandises et de tous les services sont touchés. A mon avis, la solution est de relever progressivement les prix du carburant en ajustant le pouvoir d’achat.