L’Observatoire de l’Automobile est une initiative créée par les organisateurs de l’événement « Les Victoires de l’Automobile » dans l’objectif de permettre aux acteurs du secteur de disposer d’une perception plus claire des tendances du marché en 2025. Il s’agit d’une enquête confiée au cabinet Emrhod Consulting. Son président explique la démarche.
Comment avez-vous structuré votre méthodologie de l’enquête dans le cadre de l’Observatoire de l’Automobile initié par les « Victoires de l’Automobile » ?
L’enquête de l’Observatoire de l‘Automobile est une première en Tunisie. C’est la première fois qu’un tel exercice se réalise. Elle nous a été commandée par Hédi Hamdi et Sadri Skander, les deux initiateurs de cette idée, dans l’objectif de fournir un aperçu sur le marché tunisien de l’automobile à partir de la perception de l’automobiliste tunisien.
Je dois préciser à ce titre que l’enquête s’est intéressée à l’automobiliste tunisien et non pas au Tunisien au sens large du terme. Cela veut dire que l’univers désigné pour effectuer l’enquête a tourné autour de l’automobiliste possédant une voiture et les chiffres qui en résultent reflètent l’attitude, les préférences et les tendances pour cet univers spécifique et non pas pour tous les Tunisiens. L’enquête a été également menée au niveau national et auprès des personnes habitant notamment dans les grandes agglomérations comme le Grand Tunis, le Sahel et Sfax.
Comment avez-vous constitué l’échantillonnage de l’enquête ?
La constitution de l’échantillonnage a été basée sur les véhicules vendus par les concessionnaires en Tunisie durant l’année 2023 tout en prenant en considération le quota attribué pour chaque marque. En d’autres termes, si une marque avait 20% des quotas en 2023, nous y retrouvons 20% des personnes interrogées possédant des véhicules de la même marque dans l’échantillonnage. Il s’agit de préciser, en outre, que les autres modèles vendus hors de cette année de référence n’étaient pas inclus dans l’enquête. L’échantillon a été conçu et bâti sur ces données et paramètres en concertation avec les organisateurs des « Victoires de l’Automobile » qui sont des connaisseurs en la matière. Nous pensons qu’en termes de critères de choix, cela couvre les principales caractéristiques de référence de l’automobiliste tunisien d’une manière générale dans son choix d’un nouveau véhicule.

Comment avez-vous défini les catégories d’âge des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête ?
Elles ont été définies selon les données de l’INS mais également sur la base de l’expertise de notre cabinet qui suit le niveau de satisfaction des automobilistes par rapport aux principales marques depuis 2003. Nous disposons d’importantes bases de données d’automobilistes tunisiens mises à jour qui nous donnent une idée claire sur plusieurs caractéristiques du marché de l’automobile comme les quotas, les segments et la répartition des automobilistes selon l’âge, le genre, etc. A partir de ces données, nous sommes capables de constituer d’une manière scientifique l’échantillonnage qui correspond à l’univers des automobilistes.
Parlez-nous de votre méthodologie d’évaluation des showrooms et de l’expérience client ?
Nous les avons évalués selon la technique du client mystère. Nous en avons une expertise solide grâce à nos précédentes expériences dans presque tous les secteurs d’activité ; les banques, les assurances, la téléphonie mobile, les grands magasins de luxe, le textile, l’habillement, les stations-service, etc. Nous suivons des protocoles prédéfinis en fonction du secteur, des points de vente en question et du parcours client. Nous formons, par ailleurs, nos clients mystères sur ces procédés pour qu’ils agissent en tant que personnes ordinaires qui correspondent à la cible visée de l’opérateur. Il est donc difficile de les reconnaître.
Pour les showrooms, nous les avons évalués à titre d’exemple par rapport à l’existence de bornes de recharge électriques, de l’éclairage, de l’espace d’accueil, de la présentation des modèles, de la propreté des voitures, de la présence des panneaux d’affichage avec les caractéristiques techniques et les prix des modèles disponibles et de l’existence ou pas d’un parking à l’extérieur pour les clients. Quant au parcours client, c’est plutôt l’accueil et les informations fournies qui ont notamment été évalués.
C’est un ensemble d’éléments pris en considération et un scoring attribué pour chaque critère. J’ajoute à ce titre que cette technique du client mystère est profitable pour le secteur étant donné qu’elle encourage les concessionnaires à améliorer davantage la qualité de leurs prestations de service.

Dans quelle mesure les résultats obtenus sont-ils proches de la réalité du marché ?
Dans notre cas de figure, avec un échantillon de 600 personnes, il y a une marge d’erreur de 4% sachant qu’il faut toujours considérer la précision statistique avec une marge d’erreur.
L’enquête démontre que le premier critère du choix d’un nouveau véhicule demeure le prix. Comment les personnes sondées ont-elles commenté cette question ?
En réalité, le marché de l’automobile est assez segmenté et cette segmentation devient de plus en plus claire aujourd’hui par rapport au passé où elle était moins développée et se limitait aux voitures de haut ou de moyenne gamme ou bien essence et diesel. Maintenant, nous sommes dans une segmentation au niveau standing social : voiture premium, moyenne, populaire, etc. Il s’agit, en outre, d’une segmentation énergétique : hybride, électrique, thermique.
Il y a également une segmentation plus prononcée au niveau de la carrosserie : SUV, berline, compact, citadine, etc. Dans cette optique, les stratégies doivent être élaborées en fonction de chaque segment. Et le prix n’est pas toujours le principal critère de choix comme, par exemple, le cas des clients du premium. Ceux-ci accordent plus d’importance et de valeur au design, à l’image de marque, au confort et à la qualité des équipements. Le prix et la consommation arrivent en deuxième lieu.
Par contre, pour les voitures populaires, le prix occupe la première place dans la liste des critères de choix. En résumé, il faut dire que le marché de l’automobile est assez segmenté et différencié et les stratégies commerciales doivent être alignées selon chaque cible.

L’enquête a révélé que les premières sources de financement pour l’acquisition d’une nouvelle voiture sont les crédits bancaires et le leasing. Cela prouve-t-il la dégringolade du pouvoir d’achat des Tunisiens et leur capacité de payer comptant ?
Le paiement comptant ne représente que 25% selon les résultats de l’enquête tandis que les crédits bancaires et le leasing constituent ensemble près de 65% des sources de financement. Cela se justifie par deux facteurs probables. Il s’agit tout d’abord de l’augmentation des prix des véhicules avec la baisse du pouvoir d’achat des Tunisiens. Toutefois, cela n’est pas tout, étant donné que l’accès au marché automobile est maintenant beaucoup plus important.
Tout le monde ambitionne aujourd’hui d’acquérir un véhicule. En effet, la diversification des sources de financement s’explique aussi par le changement de style de vie et des habitudes des Tunisiens. En réalité, le marché automobile s’est beaucoup transformé par rapport à 20 ans en arrière, y compris le mode de financement. Mais dans les détails, les automobilistes ayant plus de 50 ans sont les plus susceptibles de payer comptant l’acquisition d’une nouvelle voiture étant donné qu’ils ont bel et bien construit leur vie et possèdent un capital professionnel et financier important avec la valeur de revente de leur ancienne voiture qui leur permet d’avoir une capacité financière plus solide en comparaison avec les jeunes qui viennent de commencer leur carrière.

Avez-vous perçu que les Tunisiens ont un penchant vers les technologies embarquées et les fonctionnalités connectées ?
Plus de 50% des interviewés dans le cadre de l’enquête de l’Observatoire de l’Automobile considèrent que les fonctionnalités connectées sont très importantes. Tout le monde est connecté aujourd’hui et considère qu’il s’agit d’un aspect indispensable. Même pour les pères de famille âgés de 70 ans et qui ne sont pas assez familiarisés avec l’usage de la technologie, il y a leurs enfants et leurs femmes qui sont hyper connectés. Si ce n’est donc pas l’usager principal, les autres occupants de la voiture exigent les fonctionnalités connectées.
Quelle est votre appréciation personnelle de votre implication dans « les Victoires de l’Automobile » ?
J’en suis très satisfait et je félicite les organisateurs pour le travail qu’ils ont fait. J’ai eu des expériences précédentes similaires avec d’autres que j’ai déclinées pour plusieurs raisons ; mais pour le cas des « Victoires de l’Automobile », j’ai apprécié le sérieux des organisateurs et leur professionnalisme. Pour cela, je me suis engagé à aller avec eux dans cette expérience. Cela a été un travail d’équipe qui ne pouvait pas échouer car il est parti sur de bonnes bases.
Le résultat est aujourd’hui là avec un succès incontestable de l’événement. La démarche a été dans sa globalité assez bien bâtie, suivie et contrôlée. Maintenant, il faut travailler pour la consolider dans l’avenir. Il faut dire également que l’Observatoire de l’Automobile était une initiative pertinente ayant permis aux acteurs du secteur d’avoir une idée sur les tendances et les chiffres du marché, sachant qu’en dehors des enquêtes de satisfaction client, les chiffres sur le marché de l’automobile manquent.
Il y a beaucoup à faire pour avoir une visibilité plus précise sur l’automobiliste tunisien, les professionnels et les particuliers, en termes d’image, de notoriété, d’attitude, de préférences et de nouveaux produits.