Wevioo a été mandatée par l’AHK, la GIZ et la TAA (Tunisian Automotive Association) pour élaborer une étude sur le secteur de l’industrie automobile en Tunisie.
L’entreprise a effectué un Benchmark pour analyser la direction prise par le monde de l’automobile, a passé à peu près deux mois à effectuer des recherches académiques et de documentation et s’est appuyée sur des experts tunisiens et internationaux pour réaliser des questionnaires d’évaluation et de maturité et à également interrogé des entreprises tunisiennes du secteur en collaboration avec la TAA. Dans cet entretien, Elyes Lakhneche, manager de Wevioo, jette la lumière sur les résultats essentiels de cette étude et les challenges actuels et futurs du secteur, de même qu’il met en exergue les principales recommandations et les axes stratégiques sur lesquels il faudra travailler pour assurer un meilleur avenir pour l’industrie automobile tunisienne.
Selon l’étude que vous avez effectuée, où se positionne la Tunisie sur la carte mondiale de l’industrie automobile ?
Sur la carte de l’industrie automobile, la Tunisie a toujours été considérée comme une destination Best Cost. Réellement, elle n’a pas enregistré d’avancées significatives au niveau de la chaîne de valeur à l’exception de quelques entreprises à l’instar de Coficab, champion mondial dans la fabrication des câbles. Cependant, là où les choses commencent à se développer clairement, c’est au niveau de centres européens de recherche qui confient une partie de leur recherche à leurs homologues en Tunisie.
Par conséquent, ces entreprises qui ne produisaient que des câbles, des connecteurs ou des sièges vont désormais fournir également des connaissances et de la recherche sur l’industrie automobile et la conception. Néanmoins, chacun œuvre à développer sa propre initiative à l’écart des autres. En fait, il n’y a pas une image globale permettant de promouvoir la Tunisie en tant que destination de recherche dans l’industrie automobile. Nous avons déjà des cas de réussite de centres qui demeurent des initiatives isolées de R&D et d’innovation. Nous aurons besoin de communiquer cette image et de la vendre au monde.
Sur un autre volet, la Tunisie est mal placée en matière de production de voitures. Le Maroc a réussi à déployer deux usines de production de véhicules des marques Peugeot et Renault tandis que nous n’en avons aucune. Il sera toujours difficile d’attirer un constructeur pour produire chez nous en l’absence d’un port en eau profonde. Si nos ports sont limités et incapables de recevoir des porte-conteneurs de 10.000 à 15.000 conteneurs, nous ne pourrons pas aller dans cette voie étant donné que la construction automobile est une production massive nécessitant une infrastructure adaptée.
Quels chantiers à entreprendre aujourd’hui pour ramener le secteur de l’industrie automobile à un autre niveau ?
Le sujet le plus important qui touche, à mon avis, tout le monde est le renforcement des liaisons entre les centres de recherche, les universités et les entreprises. Bien que cela nécessite, certes, des moyens pour investir et équiper les laboratoires, un tel investissement ne représente rien face aux enjeux futurs du secteur. La volonté et l’engagement de différentes parties est l’élément-clé de cette équation.
L’autre chantier urgent est l’investissement dans la digitalisation et l’élaboration de recherches afin de pouvoir automatiser les lignes de production. La digitalisation est un passage obligatoire étant donné que le défi n’est pas lié uniquement à une production de moindre coût mais notamment à la fiabilité des produits et avoir une cadence de production plus stable, d’autant plus que certaines productions ne se font plus aujourd’hui sans l’aide de robots. Là, l’enjeu est essentiellement financier.
Mettre tous les acteurs ensemble pour développer un véritable grand centre d’innovation et où nous pourrons même faire de la production.
L’autre challenge tourne autour de la décarbonation et de la production durable dans les usines car les taxes carbone vont constituer demain des barrières non tarifaires pour nos produits. Par conséquent, les pays les plus avancés dans les énergies vertes seront plus compétitifs par rapport à la Tunisie parce qu’ils vont payer moins de taxes et moins de frais de douane.
Où en sont les entreprises tunisiennes opérant dans l’industrie automobile de la digitalisation ?
Il y a deux types d’entreprises. Il s’agit d’abord des grandes entreprises ayant leur propre système d’information ou leur boîte interne de développement. Cette catégorie d’entreprises n’a aucun problème pour améliorer et développer un système de travail digital. La deuxième catégorie concerne les moyennes entreprises qui font des produits de niche dans le secteur automobile et elles sont assez performantes. Sauf qu’elles n’ont pas les moyens d’acquérir un système d’information dont le coût pèse énormément sur leurs finances. Pour cette raison, elles demeurent moins digitalisées par rapport aux grandes entreprises. Il leur faudra donc un plan de mise à niveau et des lignes de financement pour qu’elles puissent digitaliser leur production.
Quelles sont les axes stratégiques cernés par l’étude à développer dans l’industrie automobile en Tunisie ?
Il y a quatre axes stratégiques. Le premier est le plan directeur. Je pense que c’est le moment de réaliser un plan stratégique sur 2, 5 et 10 ans. Il faudra effectuer une étude beaucoup plus poussée pour dire où nous voulons aller.
Le deuxième axe est la mise à niveau sectorielle sur les différents niveaux : process de travail, digitalisation, etc. Le troisième axe est le renforcement des partenariats pour pouvoir développer notamment des formations avec les universités. C’est du Win-Win et du Quick-Win. C’est toujours une question de réglementation à réviser et un cadre juridique toujours compliqué.
Le dernier axe est la mise en place d’une Automotive City. C’est la vision finale pour disposer d’une sorte de campus où nous pourrons mettre tous les acteurs ensemble pour développer un véritable grand centre d’innovation et où nous pourrons même faire de la production.
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