Omar Guiga, DG de la société Wallys Motors, explique dans cette interview la nouvelle extension d’activité et dévoile comment l’entreprise va gérer ces nouveaux projets.
Wallyscar ajoute une nouvelle corde à son arc. En passe de consolider et de diversifier son activité, l’entreprise tunisienne vient de décrocher la carte Jetour. Elle devient ainsi le représentant officiel de cette marque en Tunisie à travers une nouvelle entité dénommée Wallys Motors pour distribuer les modèles de la marque sans avoir besoin de passer par la case montage en SKD. Toutefois, Wallyscar ne prévoit pas de lâcher le projet industriel avec la même marque.
La relation liant Wallyscar à Jetour est en passe de s’approfondir davantage en vous désignant comme représentant et distributeur officiel de la marque en Tunisie. Comment définiriez-vous cette nouvelle orientation ?
D’abord parce que l’importation des produits finis est plus avantageuse comparativement au montage local. Nous nous sommes donc retrouvés dans une situation désavantageuse par rapport à 90% de nos confrères qui font de l’importation en CBU. Face à cette situation défavorable et suite au coup de pression mené sur l’Etat par les différents assembleurs de véhicules pour qu’il amende la règlementation fiscale, les autorités ont décidé de nous attribuer des quotas d’importation pour les marques que nous assemblons en Tunisie. Nous en avons informé la marque Jetour, notre fournisseur pour le montage du modèle Wallys Wolf, qui a accepté l’idée.
Obtenir la carte pour la distribution des voitures de la marque Jetour en Tunisie s’est passé de façon naturelle grâce à la relation de confiance qui s’est installée entre les deux constructeurs. Il faut savoir que nous avons ramené la Jetour X70 Plus et nous l’avons envoyée en Europe pour obtenir toutes les homologations nécessaires. La voiture qui a été rebadgée Wallys Wolf dispose d’un numéro de châssis appartenant à Wallyscar et est homologuée selon les normes européennes et tunisiennes requises.
Cette confiance s’est renforcée davantage par le service après-vente que nous offrons aux Tunisiens résidents à l’étranger ayant importé des voitures Jetour dans le cadre de leur retour définitif en Tunisie. Wallys a donc coché toutes les cases en termes de technicité et de savoir-faire pour représenter la marque Jetour qui n’aura plus de raisons pour aller chercher ailleurs.
Il est également important de savoir que le montage en SKD demande de la part du constructeur beaucoup plus d’argent, d’effort logistique, de temps et de ressources humaines que d’envoyer une voiture fin prête.

Allez-vous continuer votre projet industriel avec la marque Jetour ?
Nous continuons le montage automobile de la Wallys Wolf pour deux raisons essentielles dont une symbolique portant sur la préservation des emplois des personnes qui travaillent sur ce projet. La seconde raison est que l’importation en CBU est sous quota tandis que le montage en SKD est sans quota. Nous pensons que si la demande dépasse le quota de 390 unités qui nous a été attribué, dans ce cas de figure, l’excédent de demande sera satisfait à travers le montage en SKD. Cela permettra à la fois de répondre à la demande supplémentaire de la clientèle et de consolider notre chiffre d’affaires.
Notre objectif est d’écouler 400 unités de la marque Jetour en Tunisie durant la première année dans le cadre de notre quota annuel, outre 200 unités montées en SKD et rebadgées Wallys.
Le projet industriel va continuer aussi étant donné que nous bénéficions d’un avantage fiscal sur le montage des pick-ups, raison pour laquelle nous avons lancé les modèles Annibal et XXL. Nous bénéficions en fait d’un abattement d’environ 15% sur le montage de ce genre de véhicules puisque nous n’en payons pas les droits de consommation, d’autant plus que la demande est impressionnante sur nos pick-ups. Nous avons prévu dans notre business plan d’en écouler de 60 à 80 unités alors que nous venons, en un mois et demi seulement, de vendre 200 unités Annibal XXL et 150 Annibal.
L’expérience du pick-up Annibal nous a révélé que le Tunisien apprécie le pick-up Lifestyle et beaucoup l’utilisent non pas dans le travail mais dans leurs virées et sorties à la plage, à la montagne, etc.

Ne s’agit-il pas d’une sorte d’autoconcurrence en menant en même temps et avec la même marque un projet industriel et un autre de concession ?
C’est vrai. Mais cela va permettre encore une fois de comprendre le comportement du Tunisien. Va-t-il encourager le produit tunisien en mettant plus d’argent pour acheter le même produit disponible sous une autre enseigne ou non ?
Y-aura-t-il un écart de prix important entre les modèles montés localement et rebadgés Wallys et leurs équivalents importés sous l’enseigne Jetour ?
Il faut dire que les modèles montés en SKD seront plus chers et cet écart de prix est dû à plusieurs facteurs. Primo, pour le montage, nous payons le fournisseur plus cher étant donné que le coût inclut aussi l’emballage des différentes pièces et la rémunération des employés qui les préparent.
Secundo, le prix du transport en conteneurs est plus cher que l’importation des voitures. A cela s’ajoutent le paiement des employés qui font le montage, l’investissement de l’usine, le temps du montage et toute l’intégration que nous effectuons en Tunisie avec le paiement de 10% de taxes sur les pièces et 38% de droits de consommation lors de la vente de la voiture. Malgré toutes ces contraintes, l’écart de prix ne devra pas dépasser 4000 dinars parce que nous avons choisi de réduire notre marge bénéficiaire, en espérant que la loi soit révisée pour encourager l’industrie locale. Quoi qu’il en soit, nous sommes en train de construire une marque et de créer de la valeur ajoutée pour le pays.
Quels sont les autres modèles Jetour que vous envisagez de monter en SKD dans votre usine ?
Il est à noter que la gamme d’un constructeur automobile n’est pas toute disponible en montage en SKD. Actuellement, les modèles Jetour disponible pour le montage sont la X70 Plus et la X50, sachant que cette dernière était disponible en Tunisie il y a quelques années et nous ne souhaitons pas la relancer. Toutefois, si la demande dépasse notre quota, nous procéderons au montage de la Dashing mais sous la marque Wallys.
Y-a-t-il une nouvelle organisation au sein de votre entreprise avec l’introduction de l’activité de distribution de la marque Jetour ? Quel est votre plan d’actions pour le lancement de la marque ?
L’activité de distribution des modèles Jetour en Tunisie sera gérée par un nouveau concessionnaire qui s’appellera Wallys Motors. De plus, nous allons recruter un nouveau directeur commercial qui s’occupera de Jetour en particulier tout en gardant nos anciens commerciaux qui connaissent parfaitement nos clients et leurs besoins.
En outre, un nouveau showroom dédié à la marque Jetour ouvrira ses portes mi-mai à Aïn Zaghouan nord. Tous les modèles Jetour disponibles y seront exposés. La X70 Plus et la Dashing seront les premiers modèles importés et la gamme sera enrichie par les SUV T1 et T2 d’ici la fin de l’année. Ces deux modèles sont des produits connus et fortement sollicités dans les pays du Golfe.
En ce qui concerne le volet marketing, tous les SUV urbains seront commercialisés sous la marque Jetour tandis que Wallys va se concentrer sur les pick-ups et les baroudeurs. C’est-à-dire, des voitures confortables mais d’aventure.
Nous sommes en discussion avec Jetour pour avoir leur entière confiance et avoir leurs nouveaux modèles en avant-première, soit un mois ou deux de leur lancement officiel. Cela demandera beaucoup de confiance, de communication et montrer au constructeur que nous sommes capables de réaliser les performances et les objectifs sur lesquels nous nous sommes mis d’accord.
Quelle est votre stratégie de développement de votre réseau ?
Nous ouvrirons dans les prochains mois un second showroom Wallys à Aïn Zaghouan où seront exposés surtout les pick-ups. De plus, nous avons actuellement deux distributeurs à Sousse et à Sfax qui vont rajouter le logo Jetour. Nous sommes, par ailleurs, en discussion, avec d’éventuels partenaires à Djerba et à Nabeul pour clôturer l’année 2025. En 2026, nous prévoyons d’agrandir encore plus notre réseau avec deux à trois agences dont une à Gabès.
Quelle est votre politique en matière de service après-vente ?
Le Tunisien cherche beaucoup plus de l’émotionnel et à s’identifier à la marque quand il décide d’acheter un nouveau produit avec une signification lui permettant de vivre une expérience aussi bien au niveau de l’achat qu’au niveau du SAV. Les nouvelles générations ne sont pas intéressées par le rapport qualité-prix autant qu’elles le sont par une marque qui partage leurs valeurs. Dans cette optique, nous souhaiterons leur offrir une expérience et des produits auxquels ils s’identifieront.
Quant au SAV, nous avons de l’expérience et tout ce qu’il faut pour faire bénéficier nos clients d’un service de qualité. Nous disposons également de cabines de peinture et de tout le matériel et les outils de redressement de la carrosserie. En outre, nous ramenons nos pièces détachées en tant qu’industriels et pas en tant que concessionnaires. Le dédouanement est pour cela beaucoup plus rapide. Il s’agit d’un avantage précieux par rapport aux concessionnaires permettant de gagner beaucoup en temps et en efforts.
Envisagerez-vous de lancer d’autres marques ?
Nous sommes en discussion avec d’autres constructeurs pour le montage en SKD de nouveaux modèles sous le logo Wallys dont une belle marque de voitures 100% électrique. Nous commencerons par le montage d’une berline premium. L’idée n’est pas de réaliser des volumes de vente importants dans les premières années. Nous allons crescendo pour y arriver après 3 ou 4 ans.
Les discussions se font uniquement avec des partenaires Chinois ? Pourquoi ?
A mon avis, la Chine est le présent et le futur du marché des véhicules. S’il y a des constructeurs qui sont sur le point de fermer leurs usines en Europe, c’est pour les rouvrir en Chine parce qu’elle est beaucoup plus compétitive. Ce n’est plus une question de main-d’œuvre moins chère mais plutôt d’un savoir-faire acquis et de machines et d’outillage qui sont meilleures en Chine que dans d’autres pays. Si nous prenons l’exemple des voitures électriques, la Chine est en avance par rapport à ses concurrents et elle propose des produits de meilleure qualité.
Tous ces projets nécessitent des investissements. Quelle est votre approche sur le plan financier ?
Il y a deux mois, nous avons signé un nouveau contrat de financement avec notre investisseur, Ekuity Capital, un fond d’investissement koweitien (ex CTKD ndlr). Celui-ci a injecté beaucoup d’argent pour financer ce développement avec Jetour, le projet industriel avec de nouveaux partenaires, les nouveaux showrooms et les espaces SAV. Cela va également nous permettre d’agrandir l’équipe et de recruter de nouveaux talents au sein de l’entreprise et de pouvoir ouvrir de plus grandes lettres de crédit avec nos fournisseurs afin de répondre à la demande pour les véhicules neufs et en matière de pièces détachées.
Avec notre partenaire Ekuity Capital, nous nous sommes fixés comme objectif de passer de 200 à 400 unités par an puis à 600 unités pour arriver à 1500 véhicules par an. Pour pouvoir réussir ces objectifs, il faut avoir une large gamme de modèles car il est difficile d’écouler autant d’unités avec seulement 2 modèles.
S’il fallait clairement définir le positionnement de Wallys sur le marché, comment le définiriez-vous ?
Pendant longtemps, Wallys s’est cherchée et a eu du mal à comprendre son positionnement sur le marché tunisien. Nous sommes passés des modèles Izis et Iris qui étaient des voitures balnéaires et de plaisir pour parier sur la voiture la moins chère hors populaires en Tunisie avec la production de la Wallys 619 à 27.000 DT, la 719, vendue de 10 à 15.000 dinars moins chère par rapport aux modèles de la même catégorie et le petit pick-up 216 vendu à 28.000 dinars.
Nous nous sommes malheureusement rendus compte, d’un point de vue commercial, que nous devions fournir énormément d’effort pour vendre une voiture pas cher avec de petites marges bénéficiaires. Après l’expérience de la Wolf, nous avons constaté que vendre des Wallys à 120.000 dinars est beaucoup plus facile que des Wallys à 27.000 dinars. Cette idée s’est confirmée avec le lancement de l’Annibal XXL à 150.000 dinars. En résumé, nous sommes passés de l’artisanal, au grand public puis à l’haut de gamme. Wallys se positionne aujourd’hui en tant que marque haut de gamme avec des prix plus raisonnables en comparaison avec la concurrence. Jetour et Wallys partagent aujourd’hui le même positionnement sur marché.
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