Fayçal Hedda, directeur central et chef du pôle commercial d’AMI Assurances : « L’augmentation des prix des voitures a impacté les coûts des sinistres mais pas la prime d’assurance »

AMI Assurances s’impose parmi l’un des acteurs majeurs de l’assurance automobile en Tunisie. La compagnie est en quête perpétuelle d’innovations et à la recherche des bonnes formules pour ses assurés. Elle fut à ce titre la première à mettre en place il y a quelques années un centre de contrôle technique au profit de ses clients en misant ainsi sur la prévention. L’occasion lors de cette interview de remettre sur la table le dossier de la libéralisation des tarifs de l’assurance auto.

Vous avez récemment signé un accord de partenariat avec le groupe japonais Sompo. Y aura-t-il un lien avec le secteur automobile ?
Ce partenariat avec Sompo, l’un des leaders de l’assurance et de la réassurance au Japon, concerne tout ce qui est investissements japonais en Tunisie. Il touche l’industrie, y compris automobile, à l’instar des équipementiers ou l’assemblage de véhicules.

Quel bilan tirez-vous après 5 ans de la mise en place, en partenariat avec SGS, du premier centre de contrôle technique automobile ?
C’est une excellente expérience à double titre. D’abord, parce que nous jouons notre rôle d’assureur en payant en cas de sinistre. Ensuite, nous jouons un autre rôle extrêmement important axé sur la prévention en partant de l’idée considérant que le meilleur sinistre est celui qui n’aura pas lieu. En d’autres termes, nous sommes prêts à dépenser l’argent qu’il faut pour la prévention plutôt que pour payer la réparation d’un sinistre. Ce centre, développé à La Charguia 1 à Tunis, avec le leader du contrôle technique, donne cette assurance supplémentaire à nos assurés. D’ailleurs, beaucoup d’autres compagnies d’assurance ont aimé l’idée et voudraient bénéficier de notre expertise. Avoir de l’assurance est une bonne chose mais anticiper, prévenir et être proches de nos clients, c’est encore mieux. En somme, le bilan de cette expérience est positif.   

 Il faut libéraliser les tarifs de l’assurance automobile

Que pèse la branche automobile dans l’ensemble de votre portefeuille d’activités ?
L’assurance automobile est obligatoire. Cela lui confère un poids d’à peu près 50% de l’ensemble des activités du secteur des assurances. Quant à AMI Assurances, la branche auto pèse encore un peu plus. Toutefois, en termes de rentabilité, les compagnies ne gagnent pas d’argent sur cette activité. Si nous sommes à l’équilibre, c’est déjà une bonne chose. Or, depuis quelques mois, à cause de l’inflation et du taux de change, la balance n’est pas reluisante pour l’ensemble du secteur car les sinistres ne cessent d’augmenter en termes de coût. Malgré cela, AMI Assurances arrive à gérer convenablement son portefeuille. En revanche, je dois expliquer que les assurés demandent souvent le minimum de couverture d’assurance. Mais contrairement à ce que pense l’assuré, avec ce minimum, nous ne couvrons réellement que la responsabilité civile du conducteur. C’est-à-dire, nous assurons le tiers et non pas le propriétaire du véhicule ou le véhicule lui-même.     


Que représente la clientèle d’entreprises (flotte) par rapport à l’individuelle ?
Il y a trois types de clientèle : les entreprises, les professionnels et les particuliers. Les entreprises (les flottes) représentent 20 à 22% de l’ensemble des clients assurés. Pour les entreprises qui s’assurent dans le cadre de contrats individuels, le taux n’est pas négligeable et autant pour les professionnels, tandis que le reste revient aux particuliers.

Dans votre stratégie de développement, vous donnez plus d’importance aux flottes ou à la clientèle individuelle ?
Nous misons plutôt sur les flottes étant donné que celles-ci sont régies selon des critères bien déterminés et le chef de parc doit gérer au mieux sa flotte. En effet, nous lui proposons les meilleures solutions. D’autant plus qu’AMI Assurances est le spécialiste de l’assurance auto et à chaque fois que nous nous occupons de la flotte d’une entreprise, le taux de satisfaction est extrêmement élevé. Concernant les particuliers, nous souhaitons pouvoir leur proposer des solutions de couvertures personnalisées pour satisfaire au mieux leurs besoins.

Quelles courbes d’évolution des sinistralités automobiles avez-vous constatées ces dernières années ?
Mis à part 2020 caractérisée par le Covid-19, la courbe suit une tendance ascendante et nous ne sommes pas à l’abri de ce qui se passe à l’échelle nationale ou internationale. L’augmentation des prix des voitures a impacté les coûts des sinistres mais pas la prime d’assurance. Quoi qu’il en soit, à AMI Assurances, nous sommes très attentifs en essayant toujours de proposer l’assurance idoine aux assurés. Cela fait que le chiffre d’affaires n’explose pas chez nous.

Qu’est-ce qui vous différencie par rapport aux autres opérateurs du secteur ?
En cas de sinistre, nous orientons nos assurés vers des prises en charge de telle sorte qu’ils n’ont pas à payer en avance les frais de réparation auprès des garagistes, d’autant plus que nous suivons toutes les étapes de la réparation dans le réseau de garagistes qui appliquent notre cahier des charges. En outre, nous offrons des véhicules de remplacement. Nous proposons deux options de 15 et de 30 jours étant donné que la période d’immobilisation peut parfois être plus longue.

Comment les choses se passent-elles avec les garages agréés ?
Je tiens à préciser tout d’abord que nous passons par une plateforme externe qui possède son propre réseau de garages agréés couvrant tout le territoire tunisien. Cependant, nous avons un droit de regard et, à travers des applications, voir en temps réel ce qui se passe au niveau des dossiers de nos assurés. Bien que le service soit externalisé, nous restons proches de nos clients et nous intervenons quand il faut pour trouver les solutions idoines pour nos partenaires.

A chaque fois que nous nous occupons de la flotte d’une entreprise, le taux de satisfaction est extrêmement élevé

Quelles synergies avez-vous avec les concessionnaires automobiles ?
Etant donné que nous appartenons à un groupe détenant deux concessionnaires, il y a des liens avec eux d’une manière ou d’une autre. Nous avons de même des synergies avec notre maison mère, la BNA. Cela concerne notamment des avantages tarifaires et des formules commerciales dédiées.

On entend beaucoup parler de fraude dans l’assurance auto. En tant qu’opérateur, quelles sont selon vous les solutions pour contrer ce fléau ?
Au niveau d’AMI Assurances, il y a des structures dédiées pour détecter la fraude, suivre les dossiers et aller même à l’extrême quand il faut pour lutter contre ces pratiques et empêcher certains fraudeurs de venir corrompre l’ambiance générale au sein de la communauté d’assurés que nous gérons. Nous avons en effet mis en place les outils nécessaires pour détecter les éventuelles tentatives de fraude. Je rappelle dans ce sens qu’AMI Assurances a été, il y a quelques années, précurseur dans la détection de certains réseaux de fraude. J’ajoute que le taux de fraude est actuellement à deux chiffres et dépasse largement les 10%.

D’après vous, comment mieux performer le rendement et la rentabilité de la branche auto ?
Nous misons principalement sur la prévention car celle-ci réduit la sinistralité. Il faut, par ailleurs, libéraliser les tarifs car ils sont actuellement totalement administrés. Si nous arrivons un jour à libéraliser les tarifs, la garantie serait vendue à sa juste valeur. Cela permettra également d’introduire et de développer des innovations dans ce domaine.

Nous suivons toutes les étapes de réparation chez le réseau de garagistes qui appliquent notre cahier des charges

Et si les tarifs étaient libéralisés, assisterions-nous à une montée ou une baisse des prix selon vous ?
A mon avis, chaque compagnie adoptera une stratégie différente qui correspond à son portefeuille. Des compagnies vont probablement augmenter leurs tarifs tandis que d’autres vont les baisser. Puis, le marché arbitrera au bout de quelques temps. Sur le plan macro, les tarifs n’augmenteront pas nécessairement étant donné que la libéralisation permettra aussi au client de choisir la couverture qui lui convient. En effet, les bons conducteurs et ceux qui ne conduisent que le weekend pourront avoir des formules spécifiques. De plus, cela va offrir la possibilité de proposer des couvertures personnalisées, sachant que malgré les efforts consentis actuellement, il y a quand même beaucoup de standardisation des offres.

La libéralisation permettra aussi au client de choisir la couverture qui lui convient.

Quels perspectives et projets d’avenir avez-vous tracés chez AMI Assurances ?
Malgré les ajustements effectués régulièrement pour s’aligner avec les besoins du marché, l’assurance automobile reste tributaire de ce qui existe déjà. Il y a 13 ou 14 offres qui peuvent augmenter ou baisser mais, en réalité, cela ne change pas grand-chose. AMI Assurances s’oriente donc plus vers la bancassurance, l’assurance de personnes, l’épargne retraite et tout ce qui est lié à l’être-humain. Nous donnons beaucoup d’importance à cet aspect et nous proposons les meilleures solutions aux assurés. Nous sommes, en outre, en train de suivre tout ce qui est innovation sur le marché et les startups.

Quid de la digitalisation de la chaîne de l’assurance auto ?
Depuis mars 2021, en cas de sinistre, l’assuré peut passer par un système totalement digitalisé où il peut avoir toutes les informations concernant l’expert, la prise en charge, etc. Il n’a pas à se déplacer étant donné qu’il peut tout avoir en ligne : l’accord, le montant, le virement. Cette partie est bien huilée avec d’excellents résultats. Nous maîtrisons de bout en bout la chaîne de service après-vente de l’assurance auto. En outre, l’assuré peut payer la prime assurance en ligne avec sa carte bancaire et reçoit chez lui l’attestation et la vignette d’assurance. Il y a, de même, la possibilité pour les assurés d’entrer et de suivre leurs dossiers en toute transparence tout en respectant leurs données personnelles. La seule partie qui n’est pas encore digitalisée est la souscription car nous devons avoir la signature de l’assuré.